Vadim Dahnenko, un des responsables de l'association Charité de Vinnytsa, a un parcours particulier qui n'est pas sans lien avec son engagement actuel pour la cause des orphelins. Il nous l'a raconté dernièrement, en l'illustrant par des chants.
« Dieu m’a donné le don de chanter, donc je vais agrémenter mon discours de quelques chants.
(1er chant : la prière comme une force)
Je ne suis pas né dans une famille chrétienne, mais je sais aujourd’hui que la prière est une force ; mes parents se sont tournés vers Dieu avant moi et ont prié pour moi et voyez le résultat, je suis en France, dans l’église ! S’il n’y avait pas de Dieu, je ne serais pas là.
(2 ème chant : tu existes)
Un jour l’amour est entré dans mon cœur de façon inoubliable : c'était quand j’ai rencontré Jésus. Mais le chemin a été long avant cet événement.
(3° chant : il parle de l’amour qui rentre dans mon cœur et qui permet de traverser les difficultés sur la terre)
Quelle a été ma vie ?
Je suis né en Ukraine il y a 52 ans. J’ai commencé à chanter très jeune. A 5 ans, j'ai fait mon premier spectacle sur scène ; à 7 ans je suis devenu le meilleur chanteur en Ukraine, à 8 ans j’ai été convoqué par Moscou à un conservatoire.
J’ai commencé à étudier à Moscou ; les autres enfants avec qui j’étais sont maintenant des musiciens très connus. Je suis devenu à 19 ans chef d’orchestre pour l’URSS ; j'ai suivi les cours de l' académie russe des arts et c'est à ce moment que le KGB m’a demandé de travailler pour lui.
Mon père athée était professeur, il enseignait le communisme scientifique. Pendant 30 ans, il a essayé de prouver que Dieu n’existe pas. Je croyais dans le communisme, j’étais fier d’habiter en URSS, et quand j’ai commencé au KGB, on m’a mis dans le département de la « diffusion de l’information » qui avait pour but d'empêcher l’existence des églises. J'étais chargé de mettre en prison les prêtres qui parlaient de Dieu, d'empêcher l’importation de Bibles en URSS, de surveiller les étudiants étrangers venus dans mon école... La Bible était la menace pour l’URSS, je surveillais donc que la Bible n’existe pas dans le pays.
J’ai dû partir en Allemagne pour ce travail. J’y ai vécu pendant un certain temps, j’ai commencé comme chef d’orchestre d’une chorale mais ce n’était pas mon vrai travail : le KGB m’avait mis dans un service d'espionnage économique. Alors que j’étais musicien de formation et je n’avais aucune base sur l’économie ! On m’a appris à voler les nouvelles technologies et je suis devenu « voleur pro » pendant 4 ans.
A 24 ans, j’ai voulu me marier. Mais le KGB avait tout prévu pour moi, même une jeune femme (que je ne connaissais pas) avec qui un officier m'a annoncé devoir me marier. Devant mon refus, on m’a convoqué au KGB et après 24h de garde, un responsable est venu avec un document où était marquée ma condamnation à travailler 6 ans dans les mines d'uranium pour désobéissance.
Je me suis donc retrouvé dans une mine à 920 m sous terre. Mes problèmes ont eu des retentissements chez mon entourage, notamment pour mes parents. Ma mère a eu de gros soucis de santé. Mon père quant à lui, communiste convaincu, membre du parti, a commencé à aller d’un ministère à l'autre pour tenter de me faire libérer, mais en vain : j’ai dû travailler presque 6 ans dans la mine. Le niveau de radiation était supérieur à 20 fois la norme. La durée moyenne de vie des mineurs dans les mines en Ukraine est habituellement de 40 ans et moi, je viens d’avoir 52 ans et je suis encore vivant. Savez-vous pourquoi ? seulement parce que Dieu m’a donné cette grâce et la vie, dans un but particulier ! A cette époque, je ne le comprenais pas encore.
Ces problèmes dans ma famille et mon pays ont poussé mon père à prendre la Bible et à l’étudier, pas juste la lire. Un jour, il a mis la Bible et un cahier côte à côte et a transcrit toutes les citations de l'idéal communiste en face des paroles de la Bible. Au bout d'un moment, il a compris que le communisme avait pris toutes les valeurs de la Bible mais en retirant Dieu. A 58 ans, ce communiste convaincu s’est mis à genoux et a demandé pardon à Dieu. Et ma mère a fait pareil ! Dieu a commencé à changer leur vie.
A cette époque, je ne comprenais pas ce qui se passait dans leur vie. Mon père a commencé à parler de Dieu autour de lui alors que tout son entourage était communiste. Plusieurs personnes ont pensé qu’il devenait fou, moi-aussi c'était ce que j'ai pensé quand j’ai vu mon père à genoux pour la première fois, alors qu’il m'avait toujours répété de ne jamais prier ni me mettre à genoux. Et en l'entendant prier pour moi, j’ai pensé : « quelle bêtise, Dieu n’existe pas ! C’est d'ailleurs ce qu’il m’a toujours dit ! »
Les membres du parti vivaient très bien, on avait tout ce qu'il fallait matériellement, ma famille vivait dans une belle aisance. Certes, les personnes simples faisaient la queue dans les magasins, mais nous, jamais. Beaucoup de choses étaient gratuites pour nous.
Mais quand il est devenu chrétien, nous avons perdu tous ces avantages car nos amis sont devenus nos ennemis. On nous a tout confisqué. Nous avons dû partir à 500 km dans un village perdu, nous avons acheté une maison en ruine où on voyait le ciel à travers le toit. Il n'y faisait jamais plus de 9°C à l'intérieur. Pas de plancher, on vivait à même le sol, directement sur la terre, même pour dormir. Mon père et ma mère ont continué à prier, à genoux même sur ce sol de terre...
Plus tard, je me suis marié, alors mes parents étaient plutôt contents ; on a construit un peu plus la maison : 4 petites pièces, une pour les parents, l’autre pour moi et ma femme, la 3ème pour ma sœur et mes 2 neveux, et la 4ème était pour les cochons : oui, pendant 1 an et demi, ils nous ont tenu chaud. C'était comme dans la parabole du fils prodigue.
Quand j'ai lu cette parabole pour la première fois, j’ai cru qu'elle parlait de moi, j’ai compris ce que ressentait ce fils : on n’avait presque rien à manger, et pas vraiment où dormir. Dans ce village, quand ils ont su que mes parents étaient chrétiens, ils ne nous ont pas acceptés. Au fond de mon cœur, j’étais persuadé que mes parents étaient responsables de tout ça.
Comme ils n'avaient pas d’église à côté, ils lisaient, priaient et pleuraient à la maison, chez nous. Mais le 21 juin 1997, la porte s’ouvrit, quelqu'un est entré, qui est aujourd'hui mon ami alors que je ne le connaissais pas à ce moment. C'était un chrétien, un pasteur. Il nous a lu le texte de la parabole du semeur et nous l'a commenté si simplement que cela m'a profondément touché. D'où venait le problème ? du semeur ? Non ! De l'état de la terre sur laquelle tombe la graine. Après, il m’a regardé dans les yeux : « qu’est-ce qui t’empêche de t‘approcher de Dieu ? »
A 33 ans, pour la première fois, j’ai regardé Dieu. Pour la première fois, j’ai regardé mon cœur non pas avec mes propres yeux, mais avec ceux de Dieu et j’y ai vu tant de saletés que j’en ai été horrifié ; je suis tombé à genoux devant Dieu, sur ce sol si dur qui nous servait de plancher. Peu m'importait : ce sol sale était quand-même plus propre que mon cœur. Et j’ai demandé pardon à Dieu. Quand je me suis relevé, près de moi, ma femme priait elle aussi, et je ne l’avais même pas vue. Mes parents pleuraient aussi. Alors je me suis approché de mon père : à 33 ans, je l'ai embrassé en sentant que Dieu me donnait la force de lui pardonner, alors que moi, depuis tant d'années, je ne pouvais même pas avoir la volonté de pardonner. Pardonner quoi ? Il y a longtemps, quand j'avais 8 ans, j'avais eu l'impression qu'il m’avait comme arraché de son cœur pour m'envoyer étudier le chant à Moscou. J'avais vécu longtemps en internat, sans parents. Les grands de 18 ans me frappaient régulièrement alors que j’étais tellement plus jeune qu'eux. A 8 ans, j’ai écrit ma première lettre à ma mère : « Maman, on me tape ici, s'il te plaît, viens me chercher ! » J’ai attendu 4 ans qu’ils viennent me chercher... et à 12 ans j’ai compris que personne ne viendrait. J’ai chanté sur les plus grandes scènes du monde entier, avec les plus grands artistes, j'ai chanté même 2 fois à la Scala de Milan. J'ai reçu les applaudissements des plus célèbres de ce monde. Mais à chaque fois, en quittant la scène, quand j’entendais les « bravos » et les « bis », quand on m'offrait des fleurs, quand je voyais venir les journalistes, je m’effondrais et pleurais à chaudes larmes dans un coin.
De quoi ont besoin les enfants de 8 ans ? De la télé ? De la gloire ? Non ! J'avais juste besoin de mes parents. A 33 ans, Dieu m’a donné la force de pardonner à mon père et sinon, je n’aurais jamais pu le faire. C'était ma première prière alors qu’on ne m’avait jamais appris à le faire. Et j’ai dit à Dieu, « si tu me donnes des enfants, après 6 ans de mine d’uranium, je ne les abandonnerai jamais ». Aujourd'hui, Dieu m’a offert 4 enfants, 3 filles et 1 fils ; vous trouvez que c’est beaucoup ? ce n'est pas encore assez, mais je suis très heureux qu’ils existent.
Maintenant mon père est pasteur en Ukraine, l’ancien communiste proclame que Dieu existe ! Ma mère, 78 ans, est redevenue professeur : elle enseigne les enfants à l’école du dimanche, elle raconte aux enfants les choses les plus importantes de la vie. Ma sœur vit dans une autre ville en Ukraine, son mari est pasteur aussi.
Quant à moi, j’ai passé plusieurs étapes : j'ai d'abord été chef de chœur, puis Dieu m’a donné la force de construire une école de musique chrétienne. Je suis professeur à plusieurs endroits.
Un jour en 2011, un orphelin a tourmenté ma vie chrétienne, il m'a regardé dans les yeux et a dit : « vous les chrétiens, vous êtes des menteurs ! »
Facile à entendre ???!!
En regardant cet enfant, j’ai compris qu’il disait la vérité. « Vous venez à l’internat pour la fête de Pâques, vous offrez des cadeaux, vous nous dites que Dieu nous aime, et que vous nous aimez autant, puis vous repartez et vous ne revenez pas pendant 6 mois. Après vous venez pour Noël, encore avec des cadeaux, en nous disant que vous nous aimez et que Dieu nous aime, et après, vous êtes absents pendant 6 mois !! C’est vous les menteurs. »
Je me suis souvenu de ma vie à l’internat à 11 ans : quand je recevais un colis de ma mère avec des cadeaux, du chocolat, des pommes, tous les autres enfants approchaient, on mangeait le tout en 5 minutes. Et moi, je prenais l'emballage, je me cachais dans le coin le plus sombre de l’internat pour que personne ne me voie et je pleurais en regardant le carton où ma mère avait écrit mon propre prénom. Je n’avais pas besoin de colis ni de cadeau, juste de ma mère !!
Aujourd’hui les orphelins ont besoin de NOUS. J’ai alors commencé à comprendre dans la Bible que Dieu m’avait moi-aussi adopté sans que je sois dans sa famille à l'origine. Le sujet m’intéressait, j’ai regardé dans l’islam : si l’enfant n’a pas de parents, c’est le reste de la famille qui doit prendre l’enfant. Et chez nous ? il y a 100 000 enfants orphelins en Ukraine. J'ai eu honte pour nous, chrétiens.
J’ai compris que si je faisais rien, les chiffres des 100 000 orphelins allaient augmenter. J’ai commencé à me renseigner sur ces enfants, sur leur devenir : 90% d’entre eux n’ont pas d’endroit où vivre en sortant de l’orphelinat. Ils sont très nombreux à aller en prison, 70% des filles se prostituent, 60% se droguent, 60% des filles accoucheront d’un bébé qu’elles mettront à l’orphelinat, 90 % de ceux qui sont en prison y sont pour toute leur vie...
J’ai commencé à prier pour eux. Plus tard, j’ai eu une équipe, déjà en lien avec La Gerbe, pour réfléchir ensemble comment aider les orphelins. On a commencé à aborder ce problème dans les églises, et aujourd’hui, dans notre entourage, il y a 600 familles qui ont accueilli un orphelin chez elles ; 3000 orphelins ont trouvé une famille. La Gerbe nous aide beaucoup à soutenir ces familles matériellement. Juste une histoire : un garçon de 8 ans a dit pour raconter sa vie : « j'avais 4 ans, et mon frère 5 ans, quand mon père est rentré à la maison complètement saoul, il a sorti de sa poussette notre petite sœur de 7 mois qui y dormait, il a dit « ce n’est pas ma fille » et il l’a étranglée devant nous. Il a été mis en prison. Ma mère a bu beaucoup. Quand on demandait à manger à ma mère, elle nous frappait. Quand je suis allé à l’hôpital avec mon bras cassé, puis m'a jambe cassée, on m’a retiré de chez ma mère et j'ai été confié avec mon frère à l’orphelinat des petits enfants ».
Souvent j’entends de telles histoires. Pourquoi souffrent-ils ainsi ? en quoi sont-ils coupables ?
(Chant sur une vidéo : « Les yeux de l’orphelin »)
Cet homme que vous voyez dans la vidéo, c'est un ancien bandit, drogué, récidiviste. Aujourd’hui il croit en Dieu et dans sa maison, transformé, il élève ses 2 propres enfants et … 11 enfants adoptés. Je ne connais pas d’autre Dieu qui peut changer ainsi la vie d’un bandit.
J'ai une demande à vous faire : si vous pouvez venir en Ukraine, venez ! En avril on a mené une action avec les autorités officielles du pays pour qu’il y ait toujours moins d’orphelins en Ukraine avec Mike et Ivan. En avril prochain, on va recommencer à rencontrer des organismes d’état, et encore des familles chrétiennes, car si les chrétiens ne prennent pas ces orphelins, qui les prendra? On va frapper aux portes des églises et au cœur des gens. Un jour, 12 personnes ont changé le monde, et nous sommes beaucoup plus ! Aidez-nous à changer notre Ukraine ! »
Vadim Dahnenko, 31 août 2016